
lettre de septembre 2025
&tout ce que je n’ai pas pu te dire depuis 2022.
j’ai probablement recommencé à écrire cette phrase une centaine de fois, tant dans ma tête que maintenant, sur mon clavier.
j’ai longtemps réfléchi à comment revenir vers toi - comment te raconter mes journées, comment t’expliquer ce que j’ai traversé depuis 2022.
j’ai la sensation que je te “dois” des explications: car finalement ça ne me regarde pas que moi, ça te regarde toi un peu aussi. puisque tu es là, comme tu as été et j’espère, tu seras. mais au delà de tout ça, je pense que j’avais simplement besoin de mettre des mots sur les mois, et de t’inclure dans cette confidence. parce que je crois que c’est ce que j’aime faire : parler du vrai.
quand on s’est dit au revoir, dans ma dernière newsletter, le soleil était loin d’être installé… je l’ai manifesté pourtant, je me le suis souhaité, je l’ai imaginé, je l’ai attendu. il s’est passé mille vies en si peu de temps.
mais avec ce recul maintenant, je peux le dire officiellement : j’ai traversé le nuage d’orage qui me tournait autour de la tête depuis 2021.
et tu sais ce qui est tristement beau ? c’est quand je relis quelques pages de mon journal, et que je constate quel chemin j’ai parcouru.
‘et si, quand il n’y a personne pour les voir, les larmes sont toujours là ? qu’est ce que ça veut dire ?
il n’y a rien de plus intime, de plus sincère, réel, que cet instant à 2h51 depuis mon lit.
personne ne le saura. à part moi d’hier, et moi de demain.
c’est très gris. c’est étrange de ne pas se voir mourir, mais c’est encore pire de ne plus se voir vivre.”
chère Johanna d’hier : maintenant tu n’es plus seule dans cet univers là, et ces pensées sont derrière toi. 2021, 2022, 2023, 2024. c’est tout un cycle qui prend fin, je ne saurai l’expliquer, mais j’en suis convaincue.
j’ai parfois évidemment ressenti des accalmies, des éclaircies dans mon ciel, c’est vrai. tout n’était pas qu’orage, et heureusement.
mais j’ai rarement eu ce sentiment de plénitude que je ressens maintenant, et c’est grâce à lui que j’ai réellement la sensation d’être enfin passée au dessus des nuages. maintenant, j’ai des cartes supplémentaires en main, des outils plus efficaces : je me sens mieux, écoutée, je sais ce je veux, mais par dessus tout: je sais ce que je ne veux plus. (serait-ce la crise de la trentaine, ou la gastro ? who knows)
et si je te dis tout ça, ce n’est certainement pas pour te prendre en pitié. j’ai beaucoup de pudeur dans mes relations sociales, et peut-être même encore plus envers moi-même.
si je te dis tout ça, c’est surtout pour te promettre, et me promettre en même temps, que ça va aller. promis. on continue ?

“bon et maintenant qu’on a appris à danser sous l’orage…
c’est quoi la prochaine étape ?”
— mon TDah qui s’impatiente.
hé ben tu sais quoi Maurice ? tout a commencé avec un rêve.
non j’abuse. enfin, pas tant que ça, mais laisse moi te raconter cette histoire depuis le début.
Décembre 2024,
tu connais la chanson, j’ai fermé mon petit shop d’amour. 4 ans de bons et loyaux services, La Nouvelle lune ferme ses portes. définitivement.
je ferme ce chapitre sans regrets, mais avec des souvenirs plein les yeux, comme mille trésors ramassés au fur et à mesure de ma route, bien au chaud dans mes poches.
2024 s’est arrêté à la toute dernière page du livre de ma première vie.
2025 arrive avec son lot de surprises, mais surtout avec la promesse de nouvelles pages à écrire.je suis épuisée, heureuse, soulagée, un mélange de beaucoup de chose, mais surtout un besoin irrépressible de faire un cocon pendant quelques mois pour m’ajuster à ma nouvelle vie.
de mes petites mains,
je rajoute pierre après pierre,
à l’édifice de mes prochains matins,
des mots, des silences, des tempêtes et des soleils
- tous mes chemins mènent à demain 🌸et pendant mon hibernation, j’ai réfléchi. (je sais, j’aurais d’abord du me détendre, mais tmtc ça va être un peu compliqué avec ce cerveau et j’ai compris que ça ne servait à rien d’essayer de faire contre la volonté puisque visiblement j’ai perdu d’avance. bref. J’ai pris un peu le temps de me poser, de composer mes journées différemment, j’ai écouté un peu plus mon corps qui me réclamait un nouveau rythme. je me suis rendue compte que j’avais un peu plus le temps. un peu plus de sommeil à rattraper. et puis à quoi bon avoir un métier passion, si c’est pour s’en bruler les ailes tous les 3 mois ?
j’ai compris qu’il fallait que je change ma façon de faire, à vouloir être partout en même temps, on est jamais vraiment nulle part. et ça m’a pris du temps, je ne dis pas que c’était facile - évidemment que non. je suis un peu têtue, il a d’abord fallu que je me cogne la tête 25 fois avant de comprendre qu’il fallait que ça change. que je change.
j’ai ralenti, j’ai remis en question, j’ai testé, réévalué, reprogrammé. j’ai repensé tout un schéma de vie que je pensais immuable. mais j’ai aussi une fâcheuse tendance à rester bloquée en face de portes qui ne sont pas véritablement fermées. j’ai parfois du mal à voir qu’une autre solution est possible, malgré un cerveau qui bouillonne d’idées.
et c’est là que je me suis rendue compte qu’il y avait quelque chose qui clochait. encore. et encore. pourquoi ça ne tourne pas rond ? pourquoi les planètes ne sont-elles pas alignées, depuis le temps que j’attends, depuis le temps que j’y travaille ?
mon projet Réunionnais était en cours d’écriture, il a subi quelques changements, et c’était cette thématique qui me faisait le plus réfléchir.
j’ai dit que je partais.
j’ai dit que je déménageais.
depuis 2022, je n’attends que ça.
alors pourquoi j’ai l’impression que ça n’arrivera jamais ?
pourquoi j’ai l’impression que cette flamme s’est essoufflée ?
est-ce que j’ai trop tiré sur une corde déjà très fine ? est-ce que j’ai laissé quelques plumes dans ma dépression, plus que ce que j’avais imaginé ?comment un projet si solide peut s’étioler au point de n’en devenir qu’un souvenir ? un écho ?
voilà ce qu’il me restait de cette idée : la lente lumière chaude d’un soleil froid. (anima exhalare - eths). j’avais presque envie de ne plus partir. à quoi bon ? est-ce que j’ai vraiment envie d’y aller ?
je n’y croyais plus. mais surtout, j’en avais peur. j’étais paniquée à l’idée de quitter quelque chose de certain: ma vie ici à strasbourg et toutes les joies qu’elle comporte. toutes les batailles que j’avais gagnées.
bon, ça c’était pour te placer le contexte.
tu te rappelles du rêve ?
hé ben c’est dans cette tambouille de réflexion sans fin qu’il a eu lieu. la peur, l’impatience, le doute, l’envie.
j’ai rêvé que j’ouvrais un petit shop ici, en Alsace, vers strasbourg. c’était une nouvelle lune.
plus petite en taille, mais plus fidèle à la version que je suis aujourd’hui. plus proche de toi, plus proche de moi surtout. respectueuse d’un rythme que j’ai appris à jouer, douce, un deuxième cocon. dans ce shop, j’ai de la place pour ma table évidemment, mais aussi pour en placer une deuxième car ce que j’aime le plus dans mon métier (hormis de te tatouer) c’est de pouvoir revoir mes amitiés construites dans le tattoo.
revoir mes copaines autour d’un guest.
car oui, travailler seule, ce n’est finalement pas quelque chose qui me correspond. j’ai ajusté, testé, bidouillé, tu te rappelles ? les autres artistes me manquent. la solitude n’a pas le même goût que lorsqu’elle est subie…
ma conclusion m’est apparue limpide : je peux partir, mais j’ai aussi le droit de rouvrir un salon, j’ai le droit de recommencer. ce n’est pas parce que j’ai dit que je partais, que je ne peux plus faire évoluer ma pensée.
dans ce shop il y a des plantes, du confort, des plaids quand il fait froid, de la citronnade quand il fait chaud.
il y a dans ces murs des rires, des regards qui en disent longs, des silences confortables, des projets fous qui se concrétisent. il y a du thé, des peurs, des doutes, des discussions sans fin, sur la vie, les gens, les films, l’amour, la cuisson du riz dans un auto cuiseur ou à la casserole. (choose wisely)
dans ce shop il y a la confiance accumulée des 4 dernières années grâce à la première lune, mais il y a aussi la résilience, la bienveillance et les paillettes nécessaires à sa construction, il y a l’amour de mon métier, l’envie de créer, des souvenirs et des dessins. je sens la magie sous le bout de mes doigts qui ne demande qu’à être libérée, on fera des évènements, des flashdays, des blind tests, des vides greniers, des book clubs… et la lumière, tout douce, qui vient caresser paresseusement quelques feuilles de monstera qui grandissent petit à petit, il y a dans la lumière d’hiver un peu de chaleur, et la musique ? elle est chantée à pleins poumons, partagée en intimité ou avec des tatoueur.euses ami.e.s venu.e.s reposer leurs valises une petite semaine avec moi, avec nous !
et puis, je me suis réveillée.
et à mon réveil, j’étais tellement triste. triste d’avoir pu apercevoir une réalité qui n’était pas la mienne.
je me suis mise à ressentir le manque de quelque chose que je n’avais pas encore construit.
comment quelque chose qui n’existe pas encore peut-il me manquer autant ? est-ce que je suis vraiment sur la bonne voie à vouloir tout quitter sans regarder derrière ?
alors tu sais quoi Maurice ? yolo. (so 2012, sorry)
j’avais dit que je déménageais à la réunion - c’est vrai. mais je crois que j’ai changé d’avis. un peu parce que j’ai peur, c’est vrai, mais aussi parce que j’ai aperçu un autre futur. et pour la première fois depuis un long moment, je n’ai plus eu le désir de fuir pour me construire ailleurs, mais j’ai eu la sensation d’être revenue à la maison.
je te disais plus haut qu’il m’était parfois difficile de penser autrement, parce que j’avais l’impression d’être enfermée dans une boîte, et de n’avoir que d’autres choix que de faire comme ce qui était prévu à la base. je me suis enfermée dans l’idée qu’il fallait que je change d’air pour grandir. c’est vrai, ça en faisait partie. mais quand une fleur ne pousse pas, on ne blâme pas la fleur : on change son terreau, son eau, son soleil, n’est-ce pas ?
feel the fear
& do it anyway
en conclusion maurice,
je te remercie déjà sincèrement du fond du coeur si tu m’as lue jusqu’ici.
je t’écris depuis mon île de coeur: car ça y est, j’y suis. je voulais m’installer, je voulais avancer ici. je l’ai fait, parce que j’en avais besoin. mon installation ? peut-être que je le ferai tout de même, mais plus tard ? je voulais ne jamais être bloquée, et je me suis retrouvée enfermée par moi même Dans ma propre idée. un comble.
j’ai fait la paix avec la version de Johanna qui avait besoin de fuir strasbourg pour se sentir bien. elle n’a plus besoin de se fabriquer un nouveau cocon: elle est son propre cocon.
j’ai certainement un morceau de chemin à faire sur ma petite île d’amour, elle m’a tant appris. alors je chéris ce temps que j’ai choisi, que j’ai attendu, que j’ai idéalisé, pour lequel j’ai tant travaillé : je l’utilise pour faire plein de choses bonnes (écrire) ou mauvaises (manger des oréos), je le prends comme une pause nécessaire dans un quotidien qui va très vite.
j’ai des projets plein la tête et des envies plein le coeur, mais je vais m’arrêter là pour cette lettre de septembre, et je te raconterai la suite des aventures dans celle d’octobre, tu veux ?
ma to- do list à faire ici déborde d’idées, car j’aime beaucoup trop créer pour m’enfermer dans ma propre boîte : j’ai besoin d’avoir des projets, d’avancer, de construire, de déconstruire, de faire des détours, des demi-tours, j’ai besoin de commencer et de recommencer, de sentir l’enthousiasme guider mes réflexions; c’est comme ça que je me sens vivante.